Mythes et légendes

“En tant qu’européen blanc, je suis toujours surpris quand les gens ont un problème avec le fait que le jazz soit décrit comme une musique noire américaine. Tu sais, [rire] qu’est-ce que ça pourrait bien être d’autre ? D’où vient cette musique alors ? Il y a clairement une confusion. Tous les grand héros sont des musiciens noirs américains.

Une part de moi réalise que ce n’est pas ma “langue natale” mais il y a quelque chose dans cette musique que j’aime. Je pense que je peux en être et proposer quelque chose, mais évidemment je vais m’exprimer avec un accent. L’appeler autrement ou bien dire “ouais, j’ai porté le jazz à un autre niveau”, ou “j’ai pris le jazz et l’ai dilué”, ce n’est pas bon. Encore une fois, le mot jazz n’a pas de sens. Dans beaucoup d’endroits, cela veut simplement dire qu’on improvise. Mais quand tu commences à nommer les choses, les gens veulent en revendiquer la paternité, ou alors ils ne veulent pas en être associés. C’est là que ça se complique.

La musique que j’associe au mot jazz, si tu veux y participer ou prendre part à la discussion, est attachée à une histoire. Il y a un langage. L’ignorer et dire “Oh ça ne m’intéresse pas, je veux juste faire mon truc”, tu ne vas que refaire ce qui a déjà été fait. Si tu as gommé tous les éléments qui ont fait cette musique à part l’improvisation, pourquoi tiens-tu à son appellation ? Ça peut rappeler cette manière dégueulasse qu’on les blancs de s’approprier ce qui ne leur appartient pas. Je peux facilement comprendre pourquoi cela peut offenser. Avec ce qu’on a vu récemment, surtout cette année, cela montre à quelle point ce truc est profond. On est pas loin des années 60. C’est toujours sous-jacent. Les gens disent “ah oui, c’est une société post-raciale”. Clairement pas. Je pense que la plupart des noirs américains ne disent pas ça. Seuls les blancs disent ça.

La musique que j’aime vient d’une culture spécifique, donc évidemment il y a beaucoup plus d’implications que ce dont je suis conscient. Comme j’aime cette musique et que je veux la référencer et la comprendre du mieux possible à travers ma propre musique, je ne peux séparer ces éléments. Mais au bout du compte, quand je pars jouer, je ne pense plus à tout ça. J’essaye juste de jouer et d’être sincère avec moi-même. Je ne me dis pas nécessairement “rendons hommage à Charlie Christian”. Apparemment [rires] je l’ai relevé et j’aime son jeu, mais quand il s'agit de jouer, c’est ce qui me passe par la tête ou ce qui fonctionne avec les gens avec lesquels je joue ce soir-là”.”

Lage Lund, guitariste.

Tiré d'une interview (en anglais) publiée sur le blog du club new-yorkais The Jazz Gallery.

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